Hernie discale et manutention manuelle

Dr. L. PRIVET, association RAMAZZINI, juin 2022

Enoncé du problème

Le tableau des maladies professionnelles n°98 est intitulé : « Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes ».

Il permet la reconnaissance en maladie professionnelle d’une sciatique par hernie discale sous réserve que l’atteinte de la racine nerveuse et que la présence de la hernie soit de topographie concordante.

Par exemple, une sciatique de type S1 (la douleur descend dans le membre inférieur en principe jusqu’au au bord externe du pied, dans le petit orteil) correspond en principe à une hernie discale L5-S1 (le disque atteint se situe entre la 5ème vertèbre lombaire et le haut du sacrum).

Le tableau n°98 énumère un certain nombre de « travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes » dans une liste limitative, dans laquelle est fait mention entre autres : « dans le fret routier, maritime, ferroviaire, aérien ».

Le Code du travail, dans l’article R4541-2, indique ce qu’il faut entendre sous le vocable « manutention manuelle » :

 « On entend par manutention manuelle, toute opération de transport ou de soutien d’une charge, dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port ou le déplacement qui exige l’effort physique d’un ou plusieurs travailleurs ».

Il apparaît ici clairement que la manutention manuelle de charges ne se limite pas au port de charge, qui n’en est qu’une modalité.  

Exposé des faits

Monsieur H., âgé de 35 ans, est employé depuis 9 années dans une entreprise ferroviaire comme atteleur (il accroche les wagons entre eux) dans un centre de triage fret (marchandises).

Il manipule dans le cadre de son travail des attelages pesant de l’ordre de 35 kg (= charges lourdes) et cela plus de cent fois par jour (= manutention manuelle habituelle).

Il est victime d’une sciatique S1 droite due à une hernie discale, mise en évidence au scanner et qui nécessite alors une intervention chirurgicale.

Il fait une déclaration de maladie professionnelle, mais le dossier est transmis au CRRMP au titre de l’alinéa 6 de l’article L 461-1 du Code de la sécurité sociale (exigence de prouver un lien direct entre la pathologie et le travail) sous le motif que la victime ne répond pas aux exigences de la liste limitative des travaux.

L’avis du CRRMP est négatif, ce dernier faisant une lecture erronée de ce qu’est la manutention manuelle :

Les tâches effectuées comportent des manipulations d’anneaux d’attelage et non leur manutention (port) au sens du tableau de MP 98 ».

Dans la contestation devant le TASS, est rappelée la signification de « manutention manuelle », en faisant valoir que Monsieur H. répond bien aux conditions définies dans le tableau de maladie professionnelle n°98 et notamment à la liste des travaux, puisque le secteur professionnel où il travaille, le fret ferroviaire, est mentionné dans la liste limitative des travaux.  Dès lors la soumission du dossier au CRRMP était injustifiée.

Le TASS accède à la demande de la victime, mais reconnaît la maladie professionnelle dans le cadre d’une reconnaissance implicite de la maladie, sans aborder le problème de fond, sous le motif que les délais d’instruction n’ont pas été respectés. La caisse fait appel, puis se rétracte.

Discussion

Concernant le débat sur le fond, il importe de définir ce qu’on entend par « charges lourdes ».

Nous avons l’habitude de prendre comme référence pour le port de charges « répétitif » (plus d’une fois toutes les 5 minutes) le poids unitaire de 25 kg pour les hommes de 18 à 45 ans pour définir la caractéristique de charge lourde, conformément à la norme AFNOR établie en 1989.

Mais celle-ci a été remplacée depuis 2009 par une nouvelle norme, NF X 35-109, révisée en 2011, « Manutention manuelle de charge pour soulever, déplacer et pousser/tirer », de maniement plus délicat et dont l’accessibilité est payante (voir Boutique AFNOR Editions sur internet).

 
 
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